Dans les deux dernières décennies, les conditions d’exercice du travail se sont profondément détériorées alors qu’apparaissaient des matériels techniques et informatiques pour alléger les tâches physiques et intellectuelles. La plupart de ces détériorations prennent la forme de violences subies ou perçues par les salariés en provenance d’autrui. Que s’est-il passé ? Les causes structurelles de cette nouvelle situation sont multiples et échappent à la sphère immédiate du travail. Ces causes sont étroitement liées, d’une part, à la pression de logiques financières qui ont peu à peu dominé les « logiques industrielles » et, d’autre part, à la globalisation de l’économie qui a conduit à la délocalisation de nombreux emplois vers des régions à main d’œuvre à bas coût en même temps que s’accéléraient les privatisations de nombre d’activités du secteur public. Ainsi, pour rendre compétitives les entreprises maintenues dans les régions industrialisées les directions ont bien souvent interprété la demande d’augmentation de la productivité globale en termes d’accroissement de la productivité apparente du travail.
La chaîne invisible
(Réédition 2012) Au cours des vingt dernières années, le monde du travail a changé de planète. Flexibilité de la main-d’oeuvre, annualisation du temps de travail, précarité des contrats, exigence de qualité totale, déclin de la notion objective de qualification au profit de la «compétence» définie par l’employeur, plans sociaux dans les entreprises rentables, implication et responsabilisation des travailleurs, organisation en réseau, etc.
Une même logique implacable lie toutes les dimensions de cette métamorphose : l’impératif du «flux tendu», sans stocks, sans pause dans la circulation du produit, pousse à l’extrême l’exploitation du temps de travail pour satisfaire des exigences de rendement inédites dans l’histoire du capitalisme. Pourquoi les travailleurs et les syndicats ont-ils si peu résisté, et parfois collaboré, à une mutation qui intensifie le travail sans améliorer sa rémunération ?
La peur entretenue du chômage n’est qu’une part de la réponse. La sociologie du travail révèle en effet les stratégies et les jeux sociaux déployés par les individus pour sortir du flux tendu, ou le rendre acceptable, voire gratifiant. Mais cette implication contrainte des salariés participe aussi d’une stratégie délibérée de gestion du travail pour les conduire à internaliser la contrainte de rentabilité, à ne plus concevoir la distinction entre leur intérêt et celui de leur patron. Loin du rapport de domination brute à l’ancienne, le nouveau capitalisme met en place une chaîne invisible, auto-entretenue par ceux-là mêmes qu’elle aliène, une forme de servitude volontaire.
Cet ouvrage a été traduit en anglais (Durand Jean-Pierre, The Invisible Chain. Constraints and Opportunities in the New World of Employment, London, Basingstoke (UK), Palgrave, 2008) et en espagnol (La cadena invisible. Flujo tenso y servidumbre voluntaria, Mexico et Madrid, Casia abierta al tiempo/Fondo de Cultura Economica, 2011).
Les ressorts de la mobilisation au travail
En quoi l’organisation et les conditions du travail se transforment-elles ? Quelles sont les formes présentes de la mobilisation des salariés ? Avec quelle autonomie et sous quelles contraintes ? Comment s’établissent les normes ? Comment se constituent, s’évaluent et sont mobilisées les aptitudes et les performances des salariés ? Comment ceux-ci s’adaptent-ils aux situations modernes du travail ? Quels rôles joue la diffusion des technologies de l’information et de la communication et quelle influence exerce la nouvelle place du client dans les procès de travail ? Quelle est la pertinence des paradigmes dominants avec lesquels les sociologues ont traité historiquement de ces thèmes ?Toutes ces questions prennent sens dans le va-et-vient entre les situations de travail (pris au sens micro et macro), le champ de l’emploi et de la formation (État des marchés du travail, gestion des emplois, dispositifs de formation…) et le contexte de la globalisation.
Les chapitres du présent ouvrage répondent à l’ensemble de ces questions en traitant de la diversité des situations selon les branches, selon la dimension des entreprises ou des administrations, selon le genre et selon le type d’activité des salariés. Sans oublier les nouvelles formes d’emploi et l’éventuel renouvellement des espaces de négociation. Enfin, parce qu’il s’agit d’un ouvrage collectif, cet ouvrage montre la grande variété d’approches et de paradigmes mis en oeuvre dans la sociologie du travail.
Ainsi, Les ressorts de la mobilisation au travail offre une vue exhaustive et une photographie fidèle de ce qu’est la sociologie du travail à l’instant où le sens du travail importe moins que ses devenirs.
Parution : Paris, 2005
Sociologie contemporaine
La sociologie s’est affirmée comme une discipline maîtresse parmi les Sciences de l’homme et de la société, au côté de disciplines plus anciennes. Elle sait rendre compte, éclairer, commenter et expliquer les situations sociales complexes et les changements sociaux. Grâce à sa puissance d’analyse elle dresse des diagnostics et avance des propositions dans les organisations, dans la ville, dans le système scolaire, pour la famille, etc. Elle a en même temps inventé une pluralité de paradigmes pour poursuivre le débat théorique et les controverses intellectuelles avec les autres sciences sociales.
D’un accès souvent difficile, la sociologie nécessitait une présentation claire. Après la genèse de la discipline puis son histoire jusqu’au milieu du XXème siècle, l’ouvrage expose les théories des auteurs contemporains : Boudon, Bourdieu, Crozier, Goffman, Garfinkel, Parsons, Touraine, etc. Pour chacune de celles-ci , J.-P. Durand et R. Weil présentent le contexte historique d’émergence, une synthèse des principaux apports théoriques et une critique. Deux chapitres traitent ensuite de la démarche et des techniques sociologiques. Dans la deuxième partie, des spécialistes français, belges et québécois exposent les débats en cours dans quinze champs spécifiques : l’urbain, le travail, le développement, le politique, la famille, le religieux, l’éducation, la culture, le sport, etc. La dernière partie questionne les usages de la sociologie aujourd’hui et réfléchit sur ses aptitudes à interpréter ou à changer le monde.
Destiné aux étudiants sociologues, cet ouvrage a aussi été conçu pour tous ceux qui désirent acquérir une seconde compétence en sociologie, à l’université, dans les entreprises ou dans l’administration. Il est l’outil de préparation aux concours comportant une épreuve de sociologie. En poursuivant l’objectif pédagogique d’explication des savoirs, Sociologie contemporaine arme le lecteur des concepts et des méthodes pour décrypter et comprendre les sociétés actuelles.
Dans cette troisième édition, les chapitres ont été actualisés et augmentés à partir des travaux sociologiques les plus récents. Un nouveau chapitre présente les thèses de Raymond Aron et de Georges Gurvitch alors qu’un chapitre conclusif interroge une dizaine de sociologues sur le statut scientifique de la sociologie et sur la place de la sociologie française dans le monde.
Parution : Paris, 1989, 1997, 2006
La chaîne et le réseau
La fin tant annoncée du travail ouvrier tarde à se réaliser : plus du quart de la population active relève toujours de la classe ouvrière selon l’INSEE. Mieux encore, le travail sous contrainte de temps caractérisant la chaîne s’étend aux services dans la grande distribution, dans la restaurations rapide, voire au travail intellectuel des bureaux d’études.
Peugeot-Sochaux, ambiances d’intérieur. Les auteurs ont séjourné longtemps dans l’usine, au fil des lignes de montage ; l’un deux a durablement tenu un poste de monteur. À la routine quotidienne du travail se mêlent les rapports ambivalents entre générations, entre ethnies, avec une maîtrise décriée et des syndicalistes tout juste tolérés. Alors se construisent des jeux identitaires subtils et discrets tandis que se négocient en permanence des ajustements et des arrangements pour rendre le travail acceptable. Car si les postes de travail ont été améliorés, de nouvelles fatigues sont apparues à travers des cycles de travail sans cesse raccourcis.
La chaîne et le réseau. Le difficile travail à la chaîne demeure parce qu’il offre des compensations symboliques à l’effort. Telle est la raison d’être des ajustements sociaux permanents et des réseaux multiformes qui traversent la réalité des ateliers. Fragile et complexe, l’usine tient sur des compromis sans cesse recommencés. Réseaux sociaux, trajectoires individuelles et régulations se croisent pour cimenter le quotidien ouvrier. C’est de cela que traite ce livre ; car si la chaîne perdure c’est parce que le réseau des hommes au travail se plie aux nécessités. Jusqu’où ?
Parution : Lausanne, 2002
L’avenir du travail à la chaîne
Parce qu’elle concerne toujours de nombreux salariés, la chaîne reste le lieu emblématique pour analyser les transformations de l’organisation du travail et des relations professionnelles. Tandis que la plupart des constructeurs automobiles mondiaux ont cherché à introduire le teamwork né des pratiques japonaises, sa mise en oeuvre a été profondément influencée par l’histoire des firmes et les conditions nationales. D’où l’émergence d’une pluralité de types de relation salariale que cet ouvrage met en évidence à travers l’étude de vingt-quatre ateliers à travers le monde, fruit d’un travail sans équivalent à ce jour d’une équipe internationale de spécialistes du sujet. Quelle est la réalité du teamwork et du travail de groupe? Quelles compétences utilisées? Quelle évolution de la division du travail et de la coopération au travail? Quelle place accordée au syndicat?
Cet ouvrage s’adresse aux chercheurs, aux étudiants, aux enseignants, aux syndicalistes et à tous les praticiens qui souhaitent comprendre les changements à venir dans l’ensemble des secteurs de production de biens et de services, puisque l’industrie automobile sert de matrice aux révolutions organisationnelles depuis un siècle. La dimension comparative internationale les informe à l’heure de la globalisation.
Parution : Paris, 1998.
L’après fordisme
Les pays capitalistes ont vécu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sur un modèle productif baptisé fordisme, qui accompagna les plus belles années de la croissance. Ce modèle est en crise depuis le milieu des années soixante-dix. Mais sortir de la crise implique-t-il une rupture totale avec les principes de Taylor et de Ford ? Un ou des modèles productifs sont-ils en train d’émerger ? Comment les caractériser Quelle est l’influence du système japonais, du modèle suédois ou des méthodes de travail allemandes sur ceux-ci ?
En s’appuyant sur l’analyse des mutations en cours dans les entreprises – non seulement en France mais aussi au Japon, aux États-Unis et dans les autres pays européens-, ce livre fait émerger une réalité nuancée et complexe. On lira aussi avec profit la postface des auteurs -actualisant la première édition de 1993 -, qui permet de prendre la mesure des évolutions récentes (des crises asiatiques aux nouvelles formes du taylorisme en France…) et d’approfondir les enseignements tirés de leurs analyses antérieures: les thèses régulationnistes sont ici soumises à l’épreuve du terrain.
Fruit d’une collaboration entre un économiste et un sociologue, cet ouvrage s’adresse aux étudiants, enseignants, chercheurs, syndicalistes, mais aussi à tous les salariés socieux de comprendre les enjeux de leur époque.
Parution : Paris, 1993 et 1997
La fin du modèle suédois
Cet ouvrage rappelle ce que fut le modèle suédois, comment il s’est constitué et pourquoi il est aujourd’hui en difficulté. Il étudie tout particulièrement l’organisation du travail et les relations entre patronat et syndicats ainsi que l’État-providence et la politique familiale. Il montre comment l’insertion de la Suède dans l’économie mondiale a bouleversé les équilibres antérieurs.
Un nouveau système va-t-il émerger de la crise actuelle ? Sera-t-il inspiré du Japon ou confirmera-t-il la capacité de la Suède à suivre sa propre voie ?
Alors que la France est elle-même à la recherche d’un nouveau compromis social, ce petit tour chez notre voisin nordique, longtemps considéré comme idéal, apportera une base de réflexion précieuse.
Parution : Paris, 2006
Vers un nouveau modèle productif ?
Après la crise du fordisme, les principes d’un nouveau modèle productif ont émergé au tournant des années quatre-vingt. Il s’accompagne d’une généralisation des technologies de l’information qui transforment le contenu et l’organisation du travail. Où en est-on de sa mise en oeuvre ? A quelles résistances se heurte cette mutation ? Quelles en sont les conséquences possibles, notamment en ce qui concerne les rapports sociaux ? Existe-t-il un modèle unique qui s’inspirerait de l’exemple japonais ou bien une multiplicité de voies nationales divergentes ?
Les auteurs proposent un état des débats en cours sur le postfordisme dans les différents pays d’Europe, les situations américaine et japonaise étant discutées en contrepoint. Ils s’interrogent également sur leurs propres démarches : quelle est la part de la réalité et celle de la représentation dans ce nouveau modèle productif ?
Parution : Paris, 1995
Le syndicalisme du futur
Crise de l’accumulation et technologies de l’information font émerger un nouveau modèle productif. Aux rationalisations importées du Japon s’ajoute la transformation des relations professionnelles : les anciens collectifs de travail disparaissent, la concurrence entre salariés se renforce, le syndicalisme du secteur public doit porter de plus en plus les revendications du secteur privé.
Ébranlé dans ses fondements, le syndicalisme cherche un second souffle. Faut-il reconduire le militantisme ? Peut-on se satisfaire d’un syndicalisme d’électeurs ? Pourquoi des entreprises financent-elles leurs syndicats ? Comment créer un syndicalisme de proximité ? Comment combiner démocratie et expertise ?
Dans les diverses situations européennes, les réponses surgissent tout autant de l’économie, des réorganisations du travail que des bouleversements dans les modes de vie. Le syndicalisme à venir conjuguera multiplicité et professionnalité : comment l’y préparer ?
Avec la participation de chercheurs : Göran Brulin et Tommy Nilsson (Stockholm), Antimo Farro (Rome), Masanori Hanada (Kumamoto, Japon), Harmut Hirsch-Kreinsen (Dortmund, Alllemagne), Steve Jefferys (Keele, Grande Bretagne), Danièle Linhart (CNRS-Paris X), Frederik Mispelblom (Evry), Patrick Rozenblatt (CNRS-Paris X), de syndicalistes : A. Braga (CGIL, Italie), Françoise Duchesne (CGT), Jean-Baptiste Milelli (UGICT-CGT), Daniel Richter (CFDT), Siegfried Roth (IG Metall, Allemagne), de directeurs des ressources humaines : G. Raynaud (FNAC) et Serge Boyer (Casino).
Parution : Paris, 1996